Master shoemaking

Selles de cheval, harnais, couvertures de livres, tapisseries, outres, chaussures, bottes, gants de fauconnier… dès le Moyen-Âge le cuir fut exploité de diverses manières. Chaque pied de cuir, soit une surface d’environ 30 centimètres sur 30, tanné de manière classique nécessitait au minimum 80 litres d’eau. Les peaux dégraissées et débarrassées du pelage étaient superposées dans de grandes cuves de pierre et entre chaque couche, le tanneur plaçait de l’écorce de chêne moulue. C’est cette écorce qui contenait le tanin et permettait à la peau de se transformer en cuir mais le processus était très lent. Si le cuir de couverture restait huit mois dans un bain, le cuir destiné aux semelles de chaussures exigeait, lui, un trempage de deux ans. Plus récemment ces pratiques classiques du tannage furent abandonnées au profit d’un traitement au chrome, beau- coup plus rapide, et l’industrie du cuir et de ses dérivés connut un essor important. Il y a encore cinquante ans l’Europe comptait des centaines de milliers de petites fabriques de chaussures, mais cette époque faste est bel et bien révolue. Ces activités se sont depuis délocalisées dans des pays où le coût de la main d’œuvre est très faible. Nous nous sommes intéressés à l’évolution du marché de la chaussure en Europe. Pour contrer l’offensive des pays émergents en matière de chute des coûts de production, les fabri- cants européens ont choisi de concentrer leur stratégie sur la qualité et le savoir-faire.
La marque réputée Van Bommel est un exemple parfait de ce positionnement sur le marché. Dans cette fabrique, on traite exclusivement du cuir de veau. Nous y rencon- trons le directeur de la création, Floris van Bommel, l’un des trois frères de la neuvième génération de la dynastie, et un acteur privilégié du travail du cuir, Johan van Herck. Même s’il est retraité depuis plusieurs années, monsieur van Herck est un érudit en la matière. L’entretien promet d’être captivant.
Johan se remémore parfaitement l’époque des longs voyages en quête du meilleur cuir de veau. Une visite au salon du cuir du Bourget à Paris exigeait deux jours entiers, à quatre dans une voiture. D’autres trajets aux destinations plus lointaines, prenaient parfois des semaines. C’était le cas lorsqu’ils se rendaient dans les meilleures tanneries de France, comme celle du Le Puy en Annonay. Mais le voyage valait le détour car Johan se souvient qu’à l’époque, il trouvait les cuirs de veau du Sud de la France de toute première qualité. Était-ce dû à la race bovine? Au soleil du Sud? Johan l’ignore mais ce qu’il sait par contre c’est qu’au fil du temps, la qualité du cuir néerlandais s’est con- sidérablement améliorée. Ce qu’il faisait dans les tanneries s’appelait en jargon “repren- dre”. C’est-à-dire sélectionner les peaux une par une selon ses propres critères. La structure de la peau est de toute première importance pour un fabricant de chaussures. Aucune plissure de cou ne peut apparaître dans le cuir. Elles sont caractéristiques des bovins de montagne, comme en Suisse par exemple, et rendent le cuir inutilisable pour la production de chaussures. Les peaux roulées sont entreposées dans une réserve, “des veaux roulés” comme dit Johan. Notre respectable expert prend une peau pour l’examiner. Chaque centimètre est différent nous montre-t-il. À l’endroit où la bête se meut beaucoup, comme dans l’aine, le cuir est très élastique. Ailleurs, surtout sur le haut du dos, le cuir est nettement moins souple et cette partie est idéale pour la pointe des chaussures. L’une des sciences de ce métier est de connaître l’exacte destination de chaque centimètre de cuir. Certaines parties d’une chaussure nécessitent l’emploi d’un cuir élastique, d’autres pas du tout. En outre, les parties extensibles doivent non seulement être situées au bon endroit mais aussi s’étirer dans la bonne direction.

Une chaussure ne doit pas être flexible en longueur mais bien à hauteur de la cambrure et dans le sens de la largeur au cours de la marche. Les chaussures Van Bommel sont à certains endroits formées de trois couches de cuir, chaque fois placées dans un sens différent.

Nous apercevons des centaines, peut-être même des milliers, de peaux différentes. C’est la réponse des temps modernes aux temps jadis où les artisans ne disposaient que d’un choix restreint, tel que le cuir suède ou le cuir laqué. Aujourd’hui les tanneries rivalisent d’ingéniosité et d’imagination pour offrir de nouveaux produits. Les impres- sions, couleurs et textures obtenues sont le fruit de techniques particulièrement sophis- tiquées. Deux fois par an, ces magiciens du cuir se rencontrent lors du grand salon international de la maroquinerie, à Milan. Une occasion unique de découvrir les dernières tendances et l’art prestigieux de ces artisans.


Il est remarquable de constater que les grands élevages actuels de veau ont influencé le monde de la chaussure. Pour Johan, le meilleur cuir est le box calf. Traité au chrome, il est parfait de son état mais il est aussi le moins intéressant selon Joris. Les cuirs actuels ont plus de caractère, pour les veaux qui ont vécu à l’extérieur, la saison de l’abattage modifie considérablement la qualité du cuir. Les meilleures peaux proviennent de bêtes abattues entre mai et juin car elles sont les plus grasses. En plein été, la peau devient plus légère, moins massive et en hiver des risques de veinures sont à craindre sur le cuir.


Chaque peau est traitée avec amour et précaution et fournit le cuir de couverture nécessaire à la création de trois paires de chaussures. Le prix d’achat moyen varie entre 50 et 60 euros du mètre carré et il va de soi que la meilleure des qualités de cuir permet de réaliser les meilleures chaussures et que le prix à payer est en relation directe avec le caractère exclusif de celles-ci. L’excellence a un coût mais cela en vaut la peine.
www.vanbommel.com

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